French Divide 2017 – Day 6

French Divide 2017 – Day 6

Traversée du Massif Central au mental

140 km, 2200 mD+, 15h50
Puy-de-Dôme – Cantal
jeudi 10 août

Je pars peu après 5h après avoir pris le temps de faire un selfie car je sens mon visage un peu gonflé par la fatigue. La réalité révélée par le cliché était très loin de ce que j’imaginais. J’envoie la photo à mon frère qui me répondra plus tard :
« Wtf ? Tu fais une allergie à une piqûre d’insecte ? »
« Non, c’est juste ma gueule au réveil après 5 jours de French Divide »

Je quitte avec une nostalgie éphémère mon abri de cette cinquième nuit, si réconfortant, après le stress vécu les heures d’avant pour trouver un point de chute.
Le ciel est menaçant et il ne tardera pas à pleuvoir.

Lever du jour, coucher de lune

J’attaque le Massif Central. Je l’attendais.
Depuis deux jours, ma pédale droite me donne du tracas. Je déclipse beaucoup trop facilement, parfois juste en appuyant trop fort de travers sur la pédale. J’ai tapé une pierre le deuxième jour et j’étais alors trop préoccupé par mon pneu pour me soucier du reste. Je prends enfin le temps de regarder et je m’aperçois qu’un des axes qui tient le ressort de clipsage est en train de se faire la malle. Ça doit faire plusieurs centaines de kilomètres que je roule comme ça… Cela devient d’un seul coup ma préoccupation numéro un quand je réalise ce que serait mon rendement de pédalage sans être clipsé à droite…
Le premier garage automobile ouvert me permet de dégoter une pince multiprise pour une réparation express. Je remercie le garagiste au fort accent auvergnat, qui se demande bien ce que je fais dans cet état, trempé et marqué par la fatigue, à repartir sous la pluie battante sur mon VTT.

La pluie ne s’arrêtera jamais de la journée.
La pluie, au bout d’un moment, ça use, mais c’est le froid le plus dur. Nous sommes le 10 août et il fait une moyenne de 7°C sur la journée. Je finirais par me plaindre sur Facebook en donnant des news, Sofiane me répondra en postant cette image et en commentant « De là à dire que le sort s’acharne « .

Pression atmosphérique Europe du 10 août 2017

Je me repose quelques minutes dans un grand chalet-restaurant flambant neuf où les responsables m’invitent à rentrer pour m’abriter. Je n’ai fait que 70 km en 9h, je n’avance pas.

Malgré tout je profite des paysages brumeux, même si j’aurais aimé avoir une vue plus dégagée. L’ambiance est mystique et magique.

Sur les chemins du Massif Central

J’arrive à la Bourboule vers 15h et me ravitaille enfin dans une supérette. La dame à la caisse a pitié de moi. Quand elle me voit pris de tremblements de froid arrivant à peine à ramasser mon repas sur le tapis roulant de la caisse, elle m’offre un sac plastique et m’emballe mes achats.

Je mange dehors au dessus de la bouche d’aération du groupe froid de la supérette qui rejette de l’air chaud toutes les une minute trente. Je  commence sérieusement à envisager de terminer ma journée ici, dans un hôtel. Je checke avec mon téléphone et décide finalement, après près d’une heure de stop, de continuer. J’ai réservé une chambre d’hôte à quelque 70 km d’ici, en me disant qu’il allait s’arrêter de pleuvoir, en me disant que ça allait être plus roulant. Ah ah quelle farce… Parfois il vaut mieux ne pas savoir ce qui nous attend…
Je repars sous un déluge qui rend les chemins très boueux.
Pétage de plomb : acte 1. J’enrage et me mets à crier des noms d’oiseaux dans la pente glissante en poussant mon vélo, voyant s’allonger le temps qui me sépare de mon refuge pour la nuit.

Pétage de plomb : acte 1

C’est un vrai calvaire qui m’amènera vers la chambre d’hôte, comme une longue agonie qui n’en finit pas. Je crois que là on n’est pas loin de la torture mentale, mais malgré tout, je me sens indestructible.
J’atteins enfin à 21h30 mon point de chute. Quand mon hôte me voit tremblant et trempé sur le seuil de la porte, il me tend une serviette. Je ne peux retenir mes larmes. Je craque. Je veux arriver et revoir ma famille, c’est mon seul objectif.

Il me rincera mes vêtements et les séchera, et me fera un plat de pâtes, je n’avais plus rien à manger. Il avait accueilli l’année dernière des French Dividers. Le type est d’une incroyable gentillesse.

Je n’ai encore croisé aucun concurrent durant cette journée.
Je crois que ce fut la pire de toutes les journées que j’ai passées sur un vélo.

Je checke les positions avant de m’endormir et je vois que Benjamin n’est pas loin derrière moi. On échange quelques messages et je comprends à ce moment là que Benjamin veut me rattraper. Et qu’il veut gagner.
Cela va me mettre une pression que je n’avais pas jusqu’alors…

 

 

 

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