Transcontinental Race No4 – Day 6
Deux frontières pour le prix d’une
Italie, Slovénie, Croatie, 358 km, 3930 m D+, 22h30
jeudi 4 août
J’ai mis mon réveil comme la veille car sinon, je pense que je ne me serai pas réveillé avant 7h. J’ai encore du me réveiller pendant ma nuit pour intervertir la recharge de mon GPS et de mon téléphone. Mon mini powerbank, lui, n’aura pas eu la chance d’avoir sa ration d’électrons.
Je vais chercher mon vélo au sous-sol et quitte l’hôtel avant 5h.
Ce matin il y a un bel objectif qui arrive rapidement : je vais au CP3 ! J’ai un petit col de 800 m de D+ à monter avant de descendre vers le checkpoint.
Je m’arrête après 2 h de route pour prendre rapidement mon petit déjeuner à Falcade puis j’arrive à Alleghe vers 8h, en longeant un lac.
Le lieu est incroyablement beau. Je ne m’attendais pas à ça car je n’avais pas du tout regardé avant à quoi ressemblerait le lieu d’accueil du CP3. Tout est parfaitement paisible. On dirait que le temps s’est figé à cet endroit.
J’aperçois le petit panneau de la Transcontinental Race à l’entrée d’un hôtel au bord du lac. C’est ici que ça se passe. Il n’y a pas la même émotion que pour les deux premiers CP, mais tout de même, sortir ma « brevet card » de son étui et la tendre aux membres du staff est un moment vraiment spécial. Je discute avec les deux bénévoles de service ce matin, un Finlandais et un Italien. Je prends des nouvelles des autres riders, et j’apprends que mon Finlandais No 84 croisé hier dans les montagnes est arrivé à 3h45 au CP3 et… a continué. Son compatriote qui a l’air de le connaître m’explique que sa stratégie est de faire une bonne nuit (6h) tous les 2-3 jours et de ne pas s’arrêter de rouler le reste du temps. Je suis sidéré. J’ai d’un seul coup une autre image du cycliste que je trouvais lent et en difficulté la veille dans les bosses. Ne jamais juger les gens trop vite…
Je repars et m’engage sur le parcours obligatoire No3 qui part du CP3 et qui m’emmène au Col du Giau. J’ai 1300 m à monter, je me sens bien, il fait beau, je suis confiant.
Cette ascension va pourtant m’essorer le mental et me faire vraiment mal physiquement. Je resterai près de 2h sur les 9 km à 10% de moyenne en me battant avec ma monture pour lutter contre cette foutue gravité.
Je peste dans l’enchaînement des virages dont je ne vois pas la fin. J’envoie des textos à mon frère et Cath pour exprimer ma souffrance à ce moment. Oui j’ai besoin qu’on m’encourage. Pourtant le paysage est magnifique, et j’arrive encore à en profiter malgré la difficulté.
A quelques centaines de mètres du sommet, je m’arrête pour faire une pause. Je voulais faire l’ascension sans m’arrêter comme je l’ai fait dans quasiment tous les cols des Alpes, mais là je craque. Que c’est bon de s’arrêter, mais qu’il est dur de repartir. Ça je le sais, et je surveille mon chrono. Pas plus de 2 minutes d’arrêt sinon le moral en prend un coup.
Je repars et j’aperçois rapidement le sommet avec deux bénévoles qui sont là ! Ils me prennent en photo et on discute un peu. L’un d’eux a fait du thé et me propose une tasse, c’est top. Je savoure ma boisson favorite dans mon gobelet en plastique, entouré de ces deux adorables types, à 2200 m d’altitude. Je me dis que je ne suis pas malheureux ici…
Je donne des nouvelles sur Facebook et lis les messages d’encouragement toujours aussi nombreux, qui me réjouissent toujours autant.
Il y a deux possibilités pour redescendre : « faire le tour » par Cortina d’Ampezo, c’est plus long mais sans bosse à monter, ou redescendre par le même itinéraire que la montée pour filer après à l’est. J’avais étudié la chose, je suis sûr de moi, je passe par Cortina car en plus, j’ai envie de voir cette station qui a accueilli les JO d’hiver de 1956. Les bénévoles me disent que c’est 50/50 en terme de choix des précédents concurrents.
Je suis 23ème à la fin du parcours No3. J’ai encore gagné quelques places depuis le CP2, mais je sens que maintenant les riders qui sont avec moi (même si je ne les vois jamais), ne lâchent rien. Je me dis à ce moment que rentrer dans le top 20 va être compliqué et qu’il faut que j’essaie de garder ce classement en continuant à faire ma course.
Avant de repartir je me couvre, haut et bas car la descente va être longue. Je bascule de l’autre côté de la vallée et atteins Cortina où je fais une pause déjeuner. Deux parts de pizza, un soda et un dessert mangé sur une pelouse tranquille de la station olympique, et me voilà requinqué.
Le début de la descente est sympa, la suite beaucoup moins. Je loupe un embranchement que me signale mon GPS, mais comme je vois que la route que je prends va dans la même direction, je pense la rattraper après et prendre un raccourci comme je fais souvent. La route devient de plus en plus passante, parfois à 2 voies avec des poids lourds qui passent à 80 km/h… J’ai un grand moment de solitude dans un long tunnel… Dès que je peux je sors de cette route horrible et me retrouve à descendre une route qui se transforme en piste, puis qui se transforme en… rien. J’aime bien la course d’orientation hors des sentiers battus mais là ce n’est pas trop le moment. Je remonte ma piste très pentue et retrouve mon horrible route. L’angoisse. La route que suis censée prendre est parallèle à celle-ci mais je ne sais pas comment la récupérer. Je continue un peu et je trouve enfin un accès en remontant à contre-sens une bretelle, heureusement sans aucun véhicule. Ouf. Le contraste est saisissant, il n’y a plus personne. Par contre, je suis passé de l’autre côté de la vallée et le vent est vraiment fort, de face et soulève de la poussière. Pédaler dans une descente sans dépasser les 30 km/h est dur pour le moral !
J’emprunte tout de même plus tard une superbe piste cyclable, apparemment récente mais trop courte, qui m’emmènera sur quelques petits kilomètres.
Arrivé dans la plaine, je fais un stop pour vérifier mon itinéraire et un rider m’interpelle. Je ne l’avais pas vu. C’est un Italien, le No 171 qui a l’air d’hésiter sur son choix. Il me demande où je vais. « Pordemone » je lui réponds. Il me conseille de prendre l’autre route, mais je lui dis que je préfère rester sur ma trace, ma récente expérience n’étant pas un succès.
Il fait très chaud et j’ai besoin de ravitailler. Je traverse les villages sans trouver ce que je cherche. Je ne comprends pas comment ça marche dans ce pays ! Rien dans les stations service, pas de supérettes, mais des gelateria (glacier) partout. Je finirai par m’y arrêter pour manger… une glace. Pas très consistant pour un rider qui a déjà 200 km dans les pattes.
J’emprunte ensuite une route nationale sur plusieurs dizaines de kilomètres : une véritable punition pour un cycliste qui aime les petites routes sans voiture. Le trafic est très dense mais la bande de dégagement sur le côté permet de rouler en sécurité. Je prends mon mal en patience, je sais que la traversée de cette plaine d’Italie n’est pas réputée très sympa à vélo.
La circulation diminue lentement avec la soirée qui s’installe. J’allume mon éclairage le plus tard possible pour optimiser la recharge de mon GPS et téléphone. J’ai décidé de passer la frontière slovène cette nuit.
Mais il faut impérativement que je m’arrête manger pour recharger en énergie. C’est ce que je fais à la première pizzeria que je trouve sur ma route. Il y a une grande terrasse dehors avec beaucoup de clients à table, l’ambiance est vraiment sympa. Je sens les regards sur moi lorsque je traverse le restaurant pour m’installer, je décide de les ignorer. Non pas qu’ils soient hostiles, mais je n’ai pas envie de me sentir différent à ce moment. Je pense aux personnes « différentes » qui vivent ça tout au long de l’année…
La pizza fait du bien à mon estomac, mais être assis confortablement dans une chaise m’offre un vrai repos. Une bonne heure de stop et je repars dans la nuit.
Je vois au loin les lumières qui éclairent le port industriel de Trieste et je fais un point itinéraire car le dénivelé qui m’attend m’interpelle. Je n’hésite pas trop à changer une nouvelle fois ma route pour en prendre une plus directe et plus facile. Je ne passerai donc pas la frontière slovène et croate où je l’avais prévu. Je roule encore quelques kilomètres avant que la fatigue me tombe littéralement dessus. Je m’arrête dormir une demi-heure sous un abri bus qui tremble à chaque passage de poids lourd. J’émerge vers minuit. La remise en selle est désagréable car mon corps est comme grippé et endolori par le froid et la fatigue.
Je passe la frontière slovène vers 1h30, fatigué mais content de quitter les routes d’Italie. Je revois mon objectif et décide de pousser jusqu’à la frontière croate.
La fatigue et la sensation de froid augmentent de façon exponentielle sur les 30 km qui séparent les deux frontières. Je roule dans un état semi-comateux et je lutte pour garder les yeux ouverts. Je rejoins un rider qui s’était arrêté sur le bord de la route pour dormir et qui vient de repartir. Je le laisse filer.
Je passe le frontière croate vers 3h15. Je suis content mais il faut vite que je trouve un endroit pour dormir, je ne tiens plus éveillé.
8 km après la frontière, à 3h45, je décide de m’arrêter à un café dont la terrasse me parait être un endroit de choix pour dormir. A quelques dizaines de mètres, il y a un parking poids lourd avec des routiers qui discutent, ça a l’air safe. Je m’installe heureux de me glisser dans mon sac de couchage. J’abrège le rituel à son plus strict nécessaire pour donner quelques news et regarder rapidement ce que j’ai fait aujourd’hui, ce qui m’attend demain, puis je plonge dans mon sommeil après 4h.
One thought on “Transcontinental Race No4 – Day 6”
Belle et longue étape….Toujours aussi superbe