Transcontinental Race No4 – Day 4
Début des Alpes, CP2 et entrée dans la course
Suisse, 223 km, 4730 m D+, 16h30
mardi 2 août
Vers 5h20, je suis réveillé par des passants qui se rendent à la gare. Le temps d’émerger et de tout remballer, je pars vers 6h. La nuit a été plutôt bonne et réparatrice. Heureusement car aujourd’hui un gros morceau m’attend : j’ai pour objectif de gravir au moins 3 cols, et pas des moindres.
Après 30 km, je rejoins ma trace initiale à Spiez. Ouf. Je me dis que cette fois-ci il n’y a plus de raison que je modifie mon itinéraire et j’ai bien l’intention de rester collé à ma trace initiale.
Je commence à être inquiet pour la pression de mes pneus. Comme je suis chargé, il ne faut pas que je roule trop sous-gonflé au risque d’user prématurément le pneu arrière. Régulièrement, je tâte celui-ci avec mon pouce mais difficile de savoir si j’ai encore 4 bars, 3 bars… En passant devant un menuisier, je vois deux vélos garés et je demande à deux jeunes qui chargent un camion s’ils n’ont pas une pompe. L’un m’ignore, l’autre m’envoie paître gentiment. Je repars la queue entre les jambes en espérant trouver un magasin de vélo plus tard.
Après Spiez, je rejoins un grand lac qui me mènera à Interlaken. La route est vraiment très belle et peu fréquentée, c’est très agréable. Le ciel est un peu couvert, mais la lumière est belle. Je sens que je me suis bien reposé et que les jambes ne tournent pas trop mal.
Je fais un stop à Interlaken pour prendre mon petit-déjeuner dans une station service dont la serveuse est assez désagréable. Je repars dans les montagnes, cette fois-ci vers le CP2 à Grindelwald. Je suis assez excité à l’idée d’atteindre le CP2, un mélange de hâte et d’appréhension à l’idée de revoir du staff de la TCR.
Dans la montée, je me fais doubler par une voiture qui s’arrête à ma hauteur en klaxonnant. Ce sont deux passionnés qui sont venus voir la course. Ils ont le sourire jusqu’aux oreilles en discutant avec moi, ils me prennent en photo et repartent devant. Moi aussi j’ai le sourire, d’autant que ça contraste avec mes deux précédentes tentatives d’établir un contact chaleureux avec les locaux !
J’aperçois le panneau Grindelwald avec émotion car c’est un des symboles de cette TCR No4. Je réalise que je suis déjà arrivé là.
J’aperçois le chalet-restaurant qui fait office de CP2 avec des personnes du staff qui me font des grands signes en applaudissant et en me hélant. Je profite de chaque seconde de ce moment. Il est à peu près 10h. Je pose mon vélo et me dirige vers la table où est installée une des bénévoles. Je tends fièrement ma carte pour obtenir mon deuxième coup de tampon.
Il y a d’autres riders qui sont là et qui prennent leur petit déjeuner à l’intérieur. Les personnes qui m’ont doublé en voiture dans la montée sont là aussi et me posent pas mal de questions sur ma course et sur le matériel. C’est vraiment un moment très sympa pour moi, même si je commence à voir l’heure tourner et à vouloir repartir. J’ai du m’arrêter environ 20 minutes.
Emily Chappell arrive à ce moment. Je sais que c’est une super cycliste baroudeuse qui roule très bien et je suis donc super content d’être au CP2 avec elle. Je checke mon classement : 39ème. Les messages reçus disaient donc la vérité, je suis bien monté dans le top 40 et j’ai gagné presque 20 places depuis le CP1.
Je crois que c’est à ce moment que la course va prendre un autre visage pour moi. A l’aspect aventure s’ajoutera désormais l’aspect course/compétition. Le classement représentait jusque là quelque chose de confus auquel je n’accordais pas trop d’importance (ceux qui me connaissent seront peut-être surpris !). En effet mon but premier est bien de finir, et vu la diversité des trajectoires prises jusque là par les différents concurrents, je ne fais pas trop confiance au calculateur Freeroute pour estimer un classement. La vraie raison est que je n’ai surtout pas envie de me mettre la pression avec ça.
Néanmoins, je sais qu’on va tous prendre à peu près le même parcours pendant un certain temps maintenant car la route jusqu’au CP3 est assez logique. Je n’ai pas envie de reperdre les places gagnées jusque là. Ça y est, la partie compétiteur de mon cerveau s’active vraiment et je n’ai pas l’intention de lâcher le morceau. Ça met plus de pression, celle-ci montera progressivement, mais j’aime bien ça. Je me rends compte que je suis beaucoup suivi, que pour l’instant la course se passe bien, je n’ai pas envie de décevoir mes proches et l’association pour laquelle je roule (A Chacun son Everest !).
Je quitte le CP2 pour entamer une grosse ascension vers le premier col. Ça monte de suite assez sec et la pente me rappelle vite à la réalité, alors que j’avais l’impression d’avoir de bonnes jambes. Je double un concurrent puis j’entame une portion de route étroite qui est interdite aux voitures. Seuls des bus peuvent l’emprunter pour transporter des randonneurs, on a donc presque la route pour nous tous seuls ! Je me fais redoubler par le rider précédent, il monte mieux que moi, je n’essaie même pas de le suivre, inutile de se mettre dans le rouge. La montée est vraiment dure avec une pente moyenne de 11% sur 7 km. Autant dire qu’en terme de développement j’ai tout à gauche : 34×32. Je cherche même parfois par réflexe à passer une vitesse supplémentaire, mais non, je suis déjà sur le dernier pignon !
La route est tellement étroite que le croisement avec les bus n’est parfois pas évident, surtout dans une pente à 15% où cela me demande parfois un effort pour rouler droit.
J’arrive au col avec un super moral. Le ciel est couvert mais la vue est tout de même incroyable. Un Autrichien à vélo équipé bikepacking vient parler avec moi. Le type est hyper sympa, il connaît bien la course et me propose des biscuits que j’accepte avec plaisir. Encore un bref moment d’échange intense en amitié et sympathie.
Je me couvre pour la descente qui va être longue car il fait frais. La descente est fantastique. Très pentue, la route secoue un peu avec beaucoup de virages serrés. Je pense à Bruno qui s’éclaterait comme un fou dans cette partie technique, et à d’autres qui au contraire n’aimeraient pas du tout ! Je manque de me mettre dans le décor une fois tout de même…
Au pied de la montée du Grimsel, je m’arrête rapidement pour me découvrir et j’attaque l’ascension. Changement de décor, la route est large, il y a pas mal de voitures, la vue est beaucoup moins dégagée.
L’ascension est très longue et difficile. 27 km, 1500 m de D+ à 6% de moyenne. J’y passerai 2h45 et je trouverai ça interminable. Je double quelques concurrents dans la montée qui devient de plus en plus minérale, encaissée, austère et fascinante.
Moralement c’est très dur, mais le paysage offert est de plus en plus incroyable. J’arrive à un barrage dont le béton s’accorde parfaitement avec cette nature brute. Ici, on se sent tout petit. Cette montée me fait penser à l’ascension du col de la Croix de Fer réalisée début juillet un début de soirée.
Quelques centaines de mètres plus tard de m’arrête un peu au dessus du lac de Grimsel pour contempler une des vues les plus subjugantes que j’aurai vues pendant toute cette aventure.
J’arrive au sommet fatigué. Je m’arrête à peine 5 minutes et je retrouve un rider allemand qui m’avait doublé dans la montée. On se prend en photo à tour de rôle puis on bascule dans la descente.
Je repars ensuite pour l’ascension du col de la Furka pour 10 km à 6 % de moyenne. 10 km c’est long encore… Je m’accroche au mental. Je me sens d’un coup très faible et je mange tout ce qui me reste dans les poches et les sacoches. J’arrive au sommet à 17 h, soit 1 h plus tard que mon heure prévisionnelle sur laquelle je pensais pourtant avoir pris de la marge. Il y a du vent, il fait 8°C.
La descente du col m’emmène à Andermat où je ferai une bonne pause ravito. J’ai vraiment très faim et je fais un arrêt d’une heure en prenant le temps de manger sur le parking de la supérette, confortablement adossé à un mur.
Je commence à réfléchir à où je pourrai dormir ce soir. Je regarde mes notes et me dis que je peux passer encore un col, puis après c’est un profil descendant pendant longtemps. Je checke Booking et trouve un hôtel bon marché à Illanz. Je les appelle, je réserve la chambre, pas besoin de laisser mon nom me dit l’hôtelière, malgré mon insistance. Soit.
La montée du col d’Oberalp se passe étonnamment bien. J’ai repris des forces et je ne vois presque pas passer les 9 km à 6%. Le sommet du col est singulier avec un petit phare marin allumé. Il est 20 h.
J’allume mon éclairage. La descente est vraiment superbe à rouler.
Je traverse parfois des villages, parfois des stations de ski qui me paraissent luxueuses. Malgré le profil descendant, l’arrivée à Illanz me paraît longue. Il faut dire qu’il y avait encore 50 km depuis le col.
J’arrive devant mon hôtel, ravi à l’idée de prendre une douche et surtout de pouvoir recharger mon GPS et mon téléphone car le profil très montagneux de la journée ne m’a pas permis de trop le faire : le moyeu dynamo ne permet pas la charge en dessous d’une vitesse de 12 km/h, autant vous dire que j’étais bien en-deçà de cette valeur pendant les longues montées…
A peine entré dans l’hôtel, une des serveuses m’indique vertement qu’ils sont complets. Je ne m’inquiète pas car je sais que j’ai réservé. Mais je vais vite déchanter. Ils n’ont pas noté ma réservation et l’hôtel est bien complet. Je suis furieux car j’avais insisté pour qu’ils prennent mon nom. Ils me passent la responsable au téléphone, à qui je demande si je peux dormir dans le garage ou ailleurs, pas possible. Je ne suis pas du genre à « taper des scandales » car je considère toujours que l’erreur est humaine, mais à 22h, après 16 h passé sur le vélo, 220 km et surtout 4700 m de D+ dans les pattes, je ne suis plus très adaptable, surtout que je n’ai vraiment pas l’impression qu’on a essayé de chercher une solution à mon problème. Je ressors de l’hôtel énervé. Je pense passer la nuit dehors.
Mais finalement, je demande à des passants qui m’indiquent le deuxième hôtel de la ville. J’y passerai la nuit, en payant plus de deux fois le prix initialement prévu, et en ayant eu l’impression de perdre du temps.
Je profite d’avoir une glace pour regarder l’état de mon aphte. Je m’attendais à trouver un trou dans ma gencive, et je suis rassuré, ce n’est qu’un vilain aphte, qui disparaîtra petit à petit les jours suivants.
Après le rituel du soir (réponses aux messages et donner des news sur Facebook), je m’endors après minuit.
8 réflexions sur « Transcontinental Race No4 – Day 4 »
Super, fais nous rêver jusqu’au bout comme ça. On s’y voit, dans la TCR, sans la chaleur, la pluie, la fatigue, sans les mouches, les grosses cuisses, …..
A bientôt,
JM
Merci pour tes commentaires Jean-Michel. Ça m’encourage à écrire la suite 🙂
Tu écris super bien ! C’est digne des récits de Mike Horn. Captivant ! On s’y croirait.
J.
très sympa à lire ce récit : j’attends la suite!
Magnifique récit! Mes respects!
Raymond
Super récit et les photos choisies sont magnifiques !
Merci de nous faire partager ton aventure !
superbe aventure! super bien racontee et illustree. la pression des pneus c’est vraiment 5 bars ? je pensais 7-8 bars …
Merci Pierre pour ton commentaire ! Oui j’avais bien 5 bar max de pression et même plutôt 4 à la fin. Avec des pneus tubeless en 30mm, il ne faut surtout pas plus, sinon perte de confort sans gagner de rendement.