Transcontinental Race No4 – Épilogue

Transcontinental Race No4 – Épilogue

Joie et confusion

Quelques mois après la fin de cette TCR, mon vélo trône temporairement dans la cuisine. À table en train de manger, je le fixe et je me demande comment j’ai pu faire un truc pareil. Je réalise que c’était difficile et que j’en ai bavé.

En traversant les Dardanelles par le ferry, juste avant l’arrivée, tout devient très intense et confus. Je ne sais pas ce que je vais trouver, ce que je vais ressentir. Je caresse un infime espoir d’avoir la surprise de voir ma femme à l’arrivée, celle qui m’a tant porté et aidé depuis très longtemps.
J’arrive à la tour de l’horloge, symbole de l’arrivée que j’avais vu en photo. J’éprouve une immense joie d’en avoir fini, mais la nostalgie d’une fin annoncée fait immédiatement son apparition. La première phrase qui me vient à l’esprit est qu’ « en fait, c’était facile, rien d’extraordinaire à avoir fait ça. » Bien sûr, ce n’était pas facile. C’est à la fois extraordinaire, mais à la fois pas tant que ça.

Tour de l’horloge

Le deuxième sentiment fort qui arrive très vite est que je veux rentrer chez moi. Je m’étais posé la question de rester à la fameuse « party » qui a lieu le 15ème jour de course et qui donne un but à beaucoup de coureurs. Y assister veut dire qu’il faut que j’attende 4 jours avant de rentrer. À ce moment cela n’a aucun sens pour moi, je veux rentrer pour retrouver ma famille, et je n’ai absolument aucun regret de l’avoir fait.

Mike Hall et Anna arrivent peu de temps après que j’ai posé mon vélo. Mike me félicite avec son flegme britannique, Anna avec son sourire si pudique. On discute un peu et je lui demande rapidement si je serai classé en solo et non en duo puisque j’ai fait la course seul. Il me répond qu’il verra, et que c’est pas prévu comme ça. Ça me tracasse un peu. Et oui, je viens de finir une TCR et je pense classement.

Le troisième sentiment qui arrive est assez inattendu, même si très logique finalement me concernant. Je reçois plein de messages me félicitant d’avoir terminé, de les avoir fait vibrer pendant une bonne dizaine de jours, tant de gens que j’aime qui sont à plusieurs milliers de kilomètres de là. On me dit que je suis bien 13ème mais j’ai l’impression de ne pas mériter ce classement, de ne pas mériter ce bon chrono, bref d’être un imposteur. Je mettrai du temps à me débarrasser de ça, plusieurs mois.
La publication du classement officiel a peut-être aidé. Effectivement je ne figure ni parmi les coureurs officiellement classés, solos ou duos, mais dans les « non classés ». En regardant mon temps final, je fais bien le 13ème chrono scratch. Mais tout ça n’a plus beaucoup importance, d’autant que Mike mettra une mention spéciale me concernant dans le mail de diffusion de résultats, qui sera envoyé plusieurs semaines après la fin de la course. Ce type était un compétiteur hors pair et attaché à être juste et impartial. Je trouve ça tellement classe.

Extrait du message des résultats

Cette TCR aura été finalement ma première expérience d’ultra-cycling. Je n’ai pas toujours très bien géré mon sommeil, et même très mal géré parfois, comme pour la nutrition, et cela se paie au prix fort quelques heures après l’impasse. L’expérience m’a appris à optimiser mon temps pour les courses que j’ai faites par la suite. Par exemple je ne retouche plus mes photos avant de les partager, même si les lignes d’horizon de travers m’écorchent les yeux 😉

La TCR n’a pas changé ma vie, pas plus qu’une autre épreuve de bikepacking ne l’a fait. C’est un accomplissement parmi tant d’autres et dont la plupart n’ont rien à voir avec le sport, qui jalonnent un long cheminement…

King KA

S’il y a peut-être une chose à retenir de cette TCR n°4, c’est la performance exceptionnelle du vainqueur, Kristof Allegaert. Il arrivera presque 3 jours avant moi, et plus de 24 h avant le deuxième.  Sa performance est colossale, ne l’oublions pas. En discutant avec lui le lendemain de mon arrivée, il me dira que ce fut extrêmement dur pour lui. Les champions sont au dessus du lot mentalement et physiquement, mais je crois qu’ils ont aussi la capacité à aller très loin dans l’acceptation de la souffrance et la privation de confort, bien plus loin qu’on ne peut l’imaginer.

Pose à Çanakkale avec king KA

Une affaire de famille

J’avais demandé à chacun de mes enfants de me laisser quelque chose d’eux que je pourrai emmener pendant ma course. Un bracelet brésilien fait par ma fille que j’ai accroché à mon guidon. La licence de tennis de mon fils, un bonhomme Lego, Alex, donné par mon autre fils. Une fleur en tissu accrochée à ma sacoche arrière, par ma femme. Ces objets ont fait tout le voyage avec moi, symbole très important pour moi.
J’ai essayé de prendre Alex en photo à chaque passage important. Je le sortais alors de ma poche arrière de maillot, le prenais en photo, je rangeais à nouveau. C’est le voyage d’Alex.

Ils m’ont également remis juste avant le départ une petite boite que j’ai appelée la boite de secours. Je l’avais glissée dans une de mes foodpouch. Elle a fait le voyage avec moi et a subi les intempéries, comme moi. Je n’ai pas ouvert la boite pendant le voyage, je n’ai pas osé. Je l’ai ouverte à l’arrivée.
C’est beaucoup grâce à eux je j’ai pu faire tout ça.

La boite de secours ouverte à l’arrivée

8 réactions au sujet de « Transcontinental Race No4 – Épilogue »

  1. En faisant du rangement il y a quelques jours, j’ai retrouvé la carte que tu m’avais adressée depuis Çanakkale : l’attention m’avait vraiment beaucoup touché et ça a ravivé beaucoup de souvenirs. Vivement une prochaine aventure du genre !

  2. Héhé, cet épilogue tardif me remet en énergie pour raconter ma propre TCR (5). Je n’ai jamais réussi à émettre les premiers mots qui allaient bien. Je ressens exactement ce que tu dis: c’était pas si difficile (et pourtant), dès l’arrivée le sentiment qu’une aventure est finie. Il y a une part d’indicible dans ces vécus. Merci d’avoir (re)donné les paroles de KA, même les champions souffrent (mais ils vont plus vite).

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